Journal PsyCol Vol.3 2025 (fr)
VIOLENCE DE GENRE • Un focus sur la violence domestique et la violence conjugale
Autrice: Sofia Tula Coucouzeli Moreira
Artiste : Alicia Motta Mower
Avertissement De Contenu Sensible: Cet article traite des violences basées sur le genre et des violences conjugales, des sujets qui peuvent être sensibles pour certain·e·s lecteur·rice·s. Nous vous invitons à le lire avec attention et à chercher du soutien si besoin.
Pendant les vacances d'hiver, la violence basée sur le genre (VBG) s'intensifie, en particulier la violence domestique (VD), en raison de divers facteurs de stress, tels que les pressions financières, les tensions familiales, les attentes sociétales, l'augmentation de la consommation d'alcool et l'isolement. L'obligation de passer du temps en famille (souvent forçant les victimes à cohabiter avec leurs agresseurs), combinée à un accès réduit aux services de soutien (refuges, lignes d'assistance, soins de santé et services de conseil), rend cette période particulièrement difficile pour les personnes subissant la VBG (Cohn, 1993 ; Koutaniemi & Einiö, 2021).
L'automne dernier, le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, a été l'occasion de se mobiliser contre la VBG. Cette édition du journal PsyCol explore les dynamiques psychologiques de la VBG et son impact personnel. En mettant en lumière cette problématique, nous cherchons à en accroître la visibilité afin de briser ces cycles de violence basés sur le genre.
La VBG touche près d'une femme sur trois dans le monde (Facts and figures: Ending violence against women and girls, s. d.). Ce problème n'est pas seulement omniprésent, il est profondément ancré dans les structures sociales et les vies personnelles. En Belgique, la violence conjugale (VC) touche de manière disproportionnée les femmes sous diverses formes (« Les violences liées au genre en Belgique », s. d.).
Définition de la VBG :
La violence basée sur le genre (VBG) est définie comme :
« La violence basée sur le genre est une violence dirigée contre une personne en raison de son genre ou une violence qui touche de manière disproportionnée les personnes d'un genre particulier. Elle peut inclure la violence à l'encontre des femmes, la violence domestique contre les femmes, les hommes ou les enfants vivant dans le même foyer. Bien que les femmes et les filles soient les principales victimes de la VBG, elle cause également de graves dommages aux familles et aux communautés. La violence à l'égard des femmes est considérée comme une violation des droits humains et une forme de discrimination à l'encontre des femmes, comprenant tous les actes de violence basés sur le genre qui causent, ou sont susceptibles de causer, un préjudice physique, sexuel, psychologique ou économique. » (What Is Gender-Based Violence?, s. d.)
« La Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe cite les types de violence suivants : violence psychologique, harcèlement, violence physique, mariages forcés, violence sexuelle (y compris le viol), mutilations génitales féminines, avortements et stérilisations forcés, harcèlement sexuel, complicité et tentative de violence, justifications inacceptables de crimes, y compris les crimes dits d'honneur. » (The Council of Europe Convention on Preventing and Combating Violence against Women and Domestic Violence (Istanbul Convention) - Gender Matters - Www.Coe.Int, s. d.).
Prévalence et contexte de la VBG :
Nous avons choisi de nous concentrer sur les populations féminines en raison de la prévalence, de l'invisibilité sociale et des conséquences sur la santé mentale de la VBG dans cette population. En parler aujourd'hui est essentiel pour autonomiser les individus et les communautés en offrant un cadre permettant de comprendre, de prévenir et de répondre à ce problème. Les études récentes indiquent une asymétrie de genre dans la VC : les femmes sont plus souvent victimes de violence que les hommes, et les conséquences psychologiques et physiques sont plus graves pour elles (Motz, 2014)[1]. Dans notre travail de psychologues, nous observons une tendance à un plus grand nombre de patientes ayant subi ou subissant des traumatismes liés aux VBG. Cela peut être dû au fait que les femmes sont plus enclines à chercher une thérapie et à une plus grande prévalence des VBG qu’elle subissent. Dans mon travail, j’ai pu constater de première main les cicatrices psychologiques laissées par de telles violences—non seulement chez les survivantes, mais aussi au sein des familles, des amis et des communautés. Chaque histoire est unique, mais un thème commun émerge : le sentiment de ne pas être entendue, de ne pas être en sécurité et, souvent, d’être invisible.
En Belgique, la violence sexuelle perpétrée par des partenaires touche presque exclusivement les femmes (7,6 %, soit 1 femme sur 13). La violence physique est également plus fréquente chez les femmes (15 %, contre 8 % chez les hommes), et elles signalent plus souvent des formes graves de préjudice physique. La violence psychologique touche environ 30 % des deux genres, mais les femmes en font l'expérience de manière plus récurrente, tandis que les hommes la signalent comme un incident isolé ou rare. De plus, il existe un chevauchement significatif des types de violence subis par les femmes : presque toutes celles qui souffrent de violences physiques ou sexuelles subissent également des abus psychologiques. 93 % des femmes victimes de violence physique et 69 % des femmes victimes de violences sexuelles, reportent avoir également subie des abus psychologiques (« Les violences liées au genre en Belgique », s. d.).
L'omniprésence de la violence basée sur le genre (VBG) peut être liée aux divers contextes dans lesquels elle se manifeste. Pour l'analyser, nous adoptons une approche intersectionnelle qui prend en compte l'influence des dynamiques de pouvoir et des normes sociétales. Dans les milieux professionnels et éducatifs, la VBG peut prendre la forme de harcèlement, de discrimination ou d'intimidation. Dans les contextes communautaires, elle comprend le harcèlement de rue et la violence fondée sur l'honneur. En période de crise humanitaire et de conflit (comme la guerre), elle implique des violences sexuelles et l'exploitation. Dans le cadre des soins de santé et des institutions, la VBG peut se manifester sous forme de négligence ou de procédures médicales forcées. Dans les contextes culturels et religieux, des pratiques comme la mutilation génitale féminine et le mariage forcé en sont des formes caractéristiques. Lors des déplacements et dans les pays d’accueil, les migrants et réfugiés peuvent être victimes de VBG en raison de leur situation précaire liée à leurs droits, leur documentation, le racisme et la xénophobie. Dans les espaces numériques, la VBG prend la forme de cyberharcèlement et de cybertraque. Au sein des systèmes politiques et juridiques existants, la VBG ciblant les femmes et les groupes marginalisés se manifeste par du harcèlement, de la discrimination systémique et des obstacles à la justice. Enfin, dans les contextes domestiques et entre partenaires intimes, la VBG inclut des abus physiques, sexuels, psychologiques et/ou économiques.
Parmi ces contextes, nous nous concentrerons sur la violence domestique et la violence conjugale pour examiner les mécanismes psychologiques qui s’y jouent, afin d’éclairer une réalité souvent dissimulée derrière les murs du foyer. Dans le cadre domestique, la VBG peut prendre plusieurs formes : violence physique, violence sexuelle, violence psychologique (telle que le gaslighting), contrôle coercitif et violence économique. Le contexte domestique est unique en raison de l’intimité du foyer, de l’isolement et du cycle de la violence.
La violence domestique (VD) inclut la violence conjugale (VC) : alors que la VD concerne tous les membres d’un foyer, la VC est spécifique à une relation intime. Les blessures laissées par la VD sur les enfants sont profondes et peuvent entraîner des symptômes de traumatisme complexe tout au long de leur vie. Des liens traumatiques forts peuvent même pousser certains enfants à maintenir le contact avec des parents maltraitants, souvent en raison de peurs d’abandon intenses.
Malgré ces expériences d’enfance éprouvantes, de nombreux survivants de la VD infantile parviennent à construire une vie qui a du sens pour eux, à condition qu'ils aient la possibilité de transformer leurs expériences traumatiques. Pour cela, ils expriment souvent le besoin de soutien, de liens sécurisants qui peuvent parfois se former en dehors du cadre familial, de thérapie, et de structures sociales qui les aident à intégrer ces événements traumatiques dans leur parcours de vie. De nombreux facteurs de protection peuvent favoriser cette transformation. Motz (2014) souligne que « de la même manière que les relations peuvent être toxiques, elles peuvent aussi devenir saines ; les effets néfastes des expériences de l'enfance peuvent être compris et atténués ».
Mécanismes psychologiques de la VC :
La nature de la VC est complexe, car elle entrelace l'agression et l'intimité dans la relation. Motz (2014) décrit cette dynamique comme « un baiser avec un poing ». Parmi les mécanismes présents dans la VC, on retrouve l’identification projective, l’impuissance acquise, le contrôle coercitif et les cycles de violence.
Projection identificatoire :
La projection identificatoire (Klein, 1946, cité dans Motz, 2014) est un mécanisme de défense fréquemment observé dans la VC. Ce mécanisme consiste à projeter sur autrui les parties de soi les plus indésirables et inacceptables, dans une tentative de les détruire, bien que cela soit en réalité impossible. Ce mécanisme sert ainsi à maîtriser une situation difficile ou défavorable en la reproduisant. Dans la VC, il existe souvent un accord inconscient selon lequel les parties inacceptables de soi seront projetées sur l’autre, et perçues comme n’existant que chez cette autre personne.
Prenons l’exemple d’un couple où un partenaire violent (partenaire 1) projette sur son partenaire victime (partenaire 2) sa propre dépendance. Pour le partenaire 1, les expériences d’humiliation, de besoin et de vulnérabilité vécues dans l’enfance sont une blessure difficile à supporter. Ainsi, en adoptant un comportement agressif, il induit chez le partenaire 2 ces mêmes sentiments d’humiliation, de besoin et de vulnérabilité. Cette projection de l’impuissance sur le partenaire 2 donne au partenaire 1 un sentiment de maîtrise et de contrôle sur cette partie de lui-même qui lui fait peur. Le pouvoir qu’il exerce sur l’autre a également pour but de maintenir ce dernier dans un état d’objet, proche et incapable de partir. Il peut ainsi créer une situation de fusion avec le partenaire victime, mettant en lumière une partie de son propre Ombre – ces facettes de lui-même qu’il méprise le plus[2] (Collected Works of C. G. Jung, 1969; The Jungian Shadow - Society of Analytical Psychology, s. d.).
Projection de la dépendance
Partenaire1 (agresseur)—————>Partenaire2 (victime)
Emprise psychologique, impuissance acquise et processus de départ d’une relation abusive :
Malheureusement, les victimes de VC entendent souvent des questions telles que « pourquoi restes-tu ? », ce qui les isole davantage de leur communauté et de leurs systèmes de soutien. Il est crucial de comprendre ce que signifie être sous l’« emprise psychologique » d’une telle relation et que ces commentaires placent injustement la responsabilité sur la victime. Il serait plus pertinent de se demander : « pourquoi l’agresseur ne s’arrête-t-il pas ? », car cette question met en évidence les véritables responsabilités et souligne les lacunes systémiques en matière de soins, de soutien et de justice (Jones, 2021).
Les victimes de VC ont souvent vécu des expériences d’enfance adverses et traumatisantes (Renner & Slack, 2006 ; Jones, 2021), ce qui peut fausser leurs repères sur ce qui est approprié ou inapproprié dans une relation. Cela rend difficile l’établissement de limites et la décision de partir. La théorie de l’impuissance acquise montre que les enfants maltraités ou témoins de violences sont plus susceptibles d’être victimisés à l’âge adulte (Renner & Slack, 2006). Cette répétition peut perdurer avec l’internalisation du sentiment d’impuissance, rendant encore plus difficile la reconnaissance des abus, la demande d’aide, et renforçant ainsi des schémas de victimisation à l’âge adulte.
Sani et Pereira ont constaté que les raisons qui poussent à rester dans une relation abusive viennent de facteurs externes, comme avoir des enfants, la peur de l’agresseur ou la pression sociale[3]. Ces croyances profondément ancrées, telles que « le mariage est pour la vie », jouent un rôle déterminant dans la difficulté à quitter un partenaire violent. Ce qui est intéressant, c’est que ces mêmes éléments peuvent toutefois devenir des leviers pour quitter la relation, lorsqu’ils sont compris sous un prisme d’autonomisation et d’empouvoirement (Sani et Pereira 2020, cité dans Jones, 2021).
Ces facteurs peuvent ainsi permettre aux victimes de construire leur résilience et de sortir de la relation en développant leur capacité d’auto-régulation, en comprenant leurs compétences interpersonnelles et en trouvant du sens à leur expérience. Ce processus est souvent entravé par l’idée qu’il suffirait « simplement de partir », une perception erronée qui repose sur un « mythe de la volonté »: si on veut, on peut. Il est tentant de croire que chacun contrôle entièrement sa vie, mais en psychologie, nous savons que la réalité est bien plus complexe. Partir ne dépend pas uniquement d’une question de volonté ou de caractère, mais est profondément influencé par le contexte et les conditions environnantes.
Lorsqu’il s’agit d’entamer un processus de départ, il est primordial pour la survivante de se concentrer sur ce qu’elle a déjà en termes de soutien. Cela inclut les comportements et attitudes positifs qu’elle a développés, le soutien familial et communautaire dont elle peut bénéficier, ainsi que la capacité à restructurer et créer de nouveaux repères et un nouveau sens à sa vie. Ce cheminement doit se faire en se détournant des discours pathologisants qui la stigmatisent et la culpabilisent, car ces discours contribuent à entretenir l’emprise psychologique.
La prise de responsabilité et la compréhension de son propre rôle dans la dynamique du couple ou de la famille viendront plus tard, parallèlement à la capacité de reconstruire une vie autonome. Il est essentiel de bien saisir que les choix et comportements d’une victime de violence conjugale ne peuvent être jugés à l’aune de ceux d’une personne qui n’est pas dans une telle situation.
Enfin, il est crucial de comprendre que quitter une relation abusive ne se résume pas à une simple décision. Ce processus commence par l’idée même de partir, puis s’accompagne d’un long cheminement intérieur autour de cette question, et se prolonge bien après que la victime ait effectivement quitté son agresseur. Cette transition demande du temps, de la sécurité et un accompagnement adapté. Par conséquent, il est essentiel que l’entourage et les réseaux de soutien des survivantes adoptent une perspective d’accompagnement à long terme.
Contrôle coercitif :
Considérer la contribution possible de la victime à la dynamique de la violence est superflu, compte tenu des mécanismes de contrôle coercitif existants ; cela reviendrait à supposer une symétrie au sein du couple ainsi qu’une absence de déséquilibre de pouvoir et de violence unilatérale contre la victime (Gruev-Vintila & Rurka, 2024). Afin de démystifier les questions telles que « comment cela peut-il arriver à quelqu’un ? », nous pouvons commencer par examiner les éléments du contrôle coercitif qui amènent progressivement une personne à s’engager dans une relation abusive.
Le contrôle coercitif dans la violence conjugale survient lorsqu’un partenaire rend l’autre subordonné et dépendant en l’isolant de ses réseaux de soutien et de ses systèmes de soin, en exploitant ses ressources et ses compétences à son propre bénéfice, et en le coupant de tout ce qui est nécessaire pour son indépendance et à son autonomie (Kanougiya et al., 2021). Avec le prisme du contrôle coercitif on peut dès lors envisager la VC comme un crime contre les droits d’une personne et leurs ressources, comme un schéma comportemental de domination qui piège, plutôt qu’une série d’incidents isolés d’agression physique. Un parallèle peut être établi avec la prise d’otage et le sentiment de captivité qui découle des comportements de contrôle coercitif ; en ce sens, on peut parler d’un « crime contre la liberté » (Gruev-Vintila & Rurka, 2024). À travers cet enfermement progressif, la victime est peu à peu isolée de son soutien social et de ses ressources, intimidée et micro-régulée au quotidien, tandis que son autonomie personnelle est contrôlée. Rendre visibles ces comportements, améliorer la compréhension sociétale et signaler cette forme de captivité peuvent constituer une première étape pour aider les personnes à se libérer de ces dynamiques.
Cycle de la violence :
Lenore Walker (1979) a été une pionnière dans la description du cycle de la violence qui se répète sans cesse dans les situations de VC. Ce cycle se compose de quatre phases : l’accumulation de tension, l’incident (explosion aiguë), la réconciliation (phase de lune de miel) et le calme (période de normalité).
Tout commence par l’accumulation de tension, une phase où le stress, la critique et le contrôle s’intensifient. La victime ressent une anxiété croissante et tente d’éviter le conflit. Ensuite survient l’incident (explosion aiguë), le moment où la violence éclate, qu’elle soit physique, émotionnelle ou sexuelle. Après, vient la phase de réconciliation (lune de miel), durant laquelle l’agresseur s’excuse, fait des promesses et offre des marques d’affection pour regagner le contrôle. Enfin, la relation entre dans une phase de calme (période de normalité), où tout semble stable pendant un temps – jusqu’à ce que la tension recommence à monter inévitablement et que le cycle se répète.
Des théories plus détaillées ont été développées depuis le modèle de Walker (Johnson, 2006). Bien qu’il soit important de reconnaître que toutes les situations de VC ne suivent pas ce schéma, le modèle de Walker demeure pertinent, particulièrement clair et utile. De plus, Walker (1979) a expliqué que la durée du cycle n’est pas fixe : il peut se dérouler en une seule journée ou s’étendre sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Il est également essentiel de prendre conscience des représentations sociétales dominantes qui banalisent ce qui se passe dans la sphère privée (par opposition à la sphère publique), perpétuant ainsi des attitudes de blâme envers les victimes. Le stéréotype des femmes manipulatrices (« elle l’a provoqué », « elle invente des accusations pour le détruire ») est fréquemment utilisé pour excuser et minimiser la gravité des VCs. Ce type de discours détourne le problème en le réduisant à une question individuelle, plutôt que de le reconnaître comme une manifestation d’inégalités structurelles systémiques (Gruev-Vintila & Rurka, 2024).
De plus, certains éléments préexistants, tels que des cadres de référence spécifiques sur ce qui est normalisé en raison du genre, des expériences antérieures de violence domestique ou l'exposition à des situations sociétales symboliquement violentes, peuvent rendre plus difficile le fait de tirer la sonnette d’alarme dès le début de la relation. Comme mentionné précédemment, avoir vécu dans un environnement où l’on a sans cesse entendu que ses besoins et ses limites importent peu, qu’ils peuvent être ignorés, que le manque de respect est une norme qui est peu remise en question, et où ses opinions, perspectives et intuitions sont continuellement mises en doute et peu prises au sérieux (dans ses formes les plus extrêmes, cela évoque le concept de gaslighting ou détournement cognitif), peut mener à une intériorisation de ces attitudes et à la normalisation d’une forme systémique de violence liée au genre (Solnit, 2017).
Lorsqu’elle explore le travail émotionnel nécessaire pour les agresseurs, Motz (2014) souligne : « Lorsque les personnes violentes peuvent établir un lien entre les dommages qu’elles ont subis et ceux qu’elles sont capables d’infliger aux autres, un véritable changement devient possible… Ce n’est que lorsque les traumatismes sous-jacents peuvent être mis en mots et pensés que le processus émotionnel, essentiel à la guérison, peut commencer». Sa déclaration apporte de l’espoir quant à la possibilité de mettre fin aux actes de violence commis par ceux qui abusent ou ont abusé quelqu’un.
Pour les survivantes de VD, il est donc d’autant plus important de mettre en place des éléments préventifs (voisins, amis de la famille ou autres structures communautaires favorisant la prise de parole et les attachements sécurisés, tout en ouvrant la porte à d'autres perspectives de vie), des éléments protecteurs (organisations soutenant les survivantes de violences conjugales par le biais de refuges, d'éducation et d’interventions), ainsi qu’un soutien post-violence conjugale (thérapie, psychoéducation et accompagnement par des organisations spécialisées).
Appel à l'Action pour l'Empathie et la Sensibilisation :
En tant que thérapeutes, allié·e·s ou même ami·e·s, nous pouvons contribuer à briser le silence en créant des espaces où les survivant·e·s se sentent en sécurité pour partager leur histoire et retrouver leur voix. De petits gestes – écouter sans jugement, faire preuve de curiosité, fournir des ressources adaptées et soutenantes, remettre en question les discours nuisibles – peuvent avoir un impact significatif dans la vie de quelqu’un. Pour encourager un engagement collectif et une prise de conscience autour de cette problématique, vous trouverez ci-dessous de nombreuses ressources.
Ressources en Belgique:
https://www.brussels.be/victims-violence
https://www.collectifnoussommes.com/
https://www.caw.be/locaties/slachtofferhulp-brussel/
N.B. : Lorsque des statistiques ont été mentionnées, nous avons utilisé la binarité de genre (femmes-hommes), car c'est ainsi que la plupart des études sur ce sujet sont menées.
UNE RENCONTRE AVEC L’ARTISTE ALICIA MOTTA MOWER
Instagram: https://www.instagram.com/line_a_mower/
Facebook: https://www.facebook.com/events/9109682502412582/
Quel a été ton parcours artistique jusqu'à aujourd’hui ?
Je suis à la fois artiste visuelle et danseuse. Dans ces deux domaines, j’ai été membre fondatrice de collectifs d’arts visuels et de danse. J’ai vécu en Argentine jusqu’à l’âge de 33 ans, et je vis à Bruxelles depuis sept ans. Ici, j’ai approfondi mon apprentissage de la danse contemporaine et j’enseigne également la danse. Je collabore avec des collectifs féministes, à travers mes illustrations et en dansant dans les rues pour dénoncer les violences patriarcales. J’ai aussi organisé la Parade Dansante pour la Palestine. Depuis quatre ans, je développe un projet chorégraphique intitulé If Sirens Existed et je suis à la recherche de résidences pour le finaliser. J’ai déjà exposé mes œuvres à Bruxelles et à Anvers, et cette année, je vais présenter mon premier livre de dessins, Perdue. Il n’y a pas encore de dates fixées, mais les livres sont déjà imprimés et prêts.
Peux-tu dire quelques mots sur tes inspirations ?
Marcel Dzama, Frida Kahlo, Björk, Ana Mendieta, James Thierrée... et bien d'autres encore. Dans la vie, je suis fascinée par l’océan ; il m’inspire le vent, l’odeur du café et bien plus encore. Mais ce qui me pousse à dessiner, c’est souvent une émotion profonde, des pensées existentielles ou une injustice politique trop criante, qui alors devient une motivation éthique. Pour la danse, il m’est plus difficile de définir ce qui m’inspire. Dans le cadre de ma création actuelle, je me laisse notamment guider par le mystère des mythes des sirènes.
Qu'est-il important pour toi de transmettre à travers tes œuvres/projets ?
Quelque chose de profond, quel que soit le thème.
Qu'est-ce que cela signifie pour toi d'être artiste ?
En mettant de côté le contexte matériel, politique et social — car la réponse serait longue — être artiste, c'est faire de l’art une façon de vivre : dans ses choix, dans le temps qu’on y consacre chaque jour. Car l’aptitude créative peut exister en chacun.e ; il n’y a pas de sélection divine. Mais ce qui définit un.e artiste, c’est de faire de l’art le cœur de sa vie.
Quelle est une question que tu aimerais que l'on te pose, mais que personne ne pose jamais ?
"Quelles sont les richesses et les pertes liées à la migration en tant qu'artiste migrant.e ?"
Dictionnaire/Nuances/Explications :
Violence domestique (VD) :
La violence domestique désigne un ensemble de comportements abusifs au sein d’un cadre domestique, incluant les membres de la famille, les partenaires intimes ou les cohabitants. Cet abus peut être physique, émotionnel, psychologique, sexuel ou économique et se caractérise souvent par un déséquilibre de pouvoir et de contrôle. La violence domestique peut survenir entre conjoints, parents et enfants, frères et sœurs ou d’autres membres partageant un même foyer. (Office on Violence Against Women (OVW) : Domestic Violence, 2022).
Violence conjugale (VC) :
La VC se définit comme la violence physique, la violence sexuelle, le harcèlement ou les préjudices psychologiques infligés par un partenaire intime actuel ou ancien. Cette forme de violence inclut le contrôle coercitif, les abus émotionnels et la manipulation économique. La VC repose sur des dynamiques de pouvoir. (CDC, 2024).
Distinction entre Violence Domestique et Violence Conjugale :
La VC est considérée comme une sous-catégorie de la VD, car elle se concentre spécifiquement sur la violence entre partenaires intimes, tandis que la VD englobe un ensemble plus large de relations familiales et domestiques (Understanding and Addressing Violence against Women, s. d.).
Sites web et d’autres liens :
https://www.unwomen.org/en/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures
https://www.coe.int/en/web/gender-matters/why-is-gender-based-violence-a-problem-
Bibliographie :
16 days of Activism against Gender-Based Violence. (s. d.). Consulté 17 décembre 2024, à l’adresse https://www.who.int/southeastasia/news/detail/25-11-2024-16-days-of-activism-against-gender-based-violence
CDC (2024, octobre 24). About Intimate Partner Violence. Intimate Partner Violence Prevention. https://www.cdc.gov/intimate-partner-violence/about/index.html
Cohn, E. G. (1993). The prediction of police calls for service : The influence of weather and temporal variables on rape and domestic violence. Journal of Environmental Psychology, 13(1), 71‑83. https://doi.org/10.1016/S0272-4944(05)80216-6
Collected Works of C. G. Jung, Volume 9 (Part 2), Princeton University Press. (1969, janvier 21). https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691097596/collected-works-of-c-g-jung-volume-9-part-2
Communique_de_presse_gbv_2024_-_fr_-_def.pdf. (s. d.). Consulté 15 novembre 2024, à l’adresse https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/communique_de_presse_gbv_2024_-_fr_-_def.pdf
EdD, L. E. A. W. (2016). The Battered Woman Syndrome. Springer Publishing Company.
Facts and figures : Ending violence against women and girls. (s. d.). Consulté 15 novembre 2024, à l’adresse https://www.unwomen.org/en/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures
PSYCHOLOGICAL ABUSE AND LEARNED HELPLESSNESS: A SYSTEMATIC LITERATURE REVIEW. (s. d.). Consulté 26 décembre 2024, à l’adresse https://web.archive.org/web/20211219101910id_/https://s3.amazonaws.com/edu.psu.libraries.scholarsphere.prod/store/fd470662c9a5d53ee622a98679eb3e7d.pdf?response-content-disposition=inline%3B%20filename%3D%22Finn%252C%20Jennifer%20-%20Psychological%20Abuse%20and%20Learned%20Helplessness%20-%20A%20Systematic%20Literature%20Review.pdf%22%3B%20filename%2A%3DUTF-8%27%27Finn%252C%2520Jennifer%2520-%2520Psychological%2520Abuse%2520and%2520Learned%2520Helplessness%2520-%2520A%2520Systematic%2520Literature%2520Review.pdf&X-Amz-Algorithm=AWS4-HMAC-SHA256&X-Amz-Credential=AKIAUNVJ736S224MZCXJ%2F20211219%2Fus-east-1%2Fs3%2Faws4_request&X-Amz-Date=20211219T101909Z&X-Amz-Expires=6&X-Amz-SignedHeaders=host&X-Amz-Signature=291ce2ed0ed02b7ef059b0822ac258ce2895049dfc2b2cae4bf5eaaac2fcdee0
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[1] La plupart des études examinent la symétrie ou l’asymétrie des genres en se basant sur une vision binaire – femmes, hommes. Nous reconnaissons que cette approche est limitative et peut manquer dans le soutien que ces études pourraient apporter pour les personnes non binaires, “gender-fluid” ou appartenant à d’autres identités de genre.
[2] Le concept de l’Ombre chez Carl Jung désigne les aspects inconscients de la psyché qu’un individu refoule ou nie, souvent parce qu’ils entrent en contradiction avec l’image consciente qu’il a de lui-même. Ces aspects peuvent inclure des émotions, des désirs et des impulsions perçus comme socialement inacceptables ou indésirables sur le plan personnel.
[3] Un lien avec le syndrome de Stockholm : Ce sujet est mis en avant dans un épisode du podcast Radiolab (écouter ici : https://radiolab.org/podcast/how-stockholm-stuck), où l’idée selon laquelle une victime « tomberait amoureuse de son agresseur » est remise en question. D’autres perspectives émergent, notamment la volonté de protéger des enfants ou d’autres personnes présentes dans la même situation, qui jouent un rôle central dans la décision de rester. En examinant les dynamiques abusives, il est pertinent de reconsidérer ces raisons plus collectives qui peuvent expliquer pourquoi certaines victimes demeurent dans ces situations.